Le siège de Maubeuge au jour le jour.

Le général FOURNIER est né en 1854 à Peyrieu (Ain).

 Joseph Claudius Anthelme FOURNIER né le 15 mars 1854,

 Fils de Anthelme Marin, maire de Peyrieu et de Eugénie MIÈGE,

Marié le 27 mars 1889 à Lyon (1er) avec Louise Elisabeth CHARTRON (née le 15 avril 1862 à Fleurieu-sur-Saône)

Décédé le 23 juin 1928 à Paris.

Ecole Polytechnique, sorti dans le génie.

Ecole d’application de Fontainebleau.

Ecole supérieure de guerre.

Sa carrière se partage entre des emplois techniques de son arme et l’état-major.

Chef du premier bureau de l’état-major de l’Armée. (bureau chargé de l’organisation).

En dernier lieu, mise en état de la défense de Bizerte où il est adjoint au préfet maritime.

Il succède en février 1914 au général DESALEUX comme gouverneur de Maubeuge.

Agé de 61 ans, il est promu général de division.

Dès la mobilisation, il organise la défense de Maubeuge et crée un service de renseignements.

 

Le 3 août, il apprend que la cavalerie allemande a fait son apparition en Belgique devant Huy.

On ne tint aucun compte de ses renseignements.

Le ministre MESSIMY envoie le général PAU à Maubeuge pour enquêter et au besoin remplacer le général FOURNIER.

Le général PAU envoie au ministre un compte-rendu élogieux qui vaut au gouverneur des félicitations et des encouragements …. tardifs.

Au milieu d’août, l’armée anglaise apparaît à Maubeuge, puis se dirige vers le nord-est.

Le 20, la place et la garnison sont placés sous les ordres du général LANREZAC, chef de la Vème armée dont les troupes s’avançaient en Belgique pour combattre les allemands.

Elle est battue par les allemands.

Le 24, le général FOURNIER demande au général LANREZAC une brigade de réserve de renfort et reçoit la réponse : « Prenez toutes les dispositions utiles pour la défense de la place . »

Le même jour, partent de Maubeuge les derniers trains emmenant la population évacuée.

Le gouverneur fait aussi partir les locomotives et le matériel roulant.

Les troupes destinées à la défense du camp retranché de Maubeuge étaient :

– des territoriaux du 1er régiment (Lille)

– du 2ème régiment (Valenciennes)

– du 3ème régiment (Cambrai)

– du 4ème régiment (Avesnes)

Ces régiments étaient à 4 bataillons chacun, renforcés par 2 bataillons du 5ème régiment d’infanterie territoriale (Arras) ;

Deux compagnies du 85ème régiment d’infanterie territoriale vinrent plus tard se réfugier dans la place.

Ce qui donne un total de 18 bataillons et demi pour les troupes territoriales.

Les artilleurs étaient arrivés isolément à Maubeuge.

Ils formaient 24 batteries et étaient aidés par 2 800 auxiliaires d’artillerie de la réserve territoriale.

Le 1er régiment d’artillerie constituait la masse principale, il lui fut adjoint des batteries des 2ème et 3ème régiments envoyés du Havre et de Cherbourg.

Habitués des batteries de côte, ils durent apprendre les manœuvres des batteries de siège.

Le génie comprenait une compagnie active du 3ème régiment et 6 compagnies territoriales du 11ème bataillon.

Comme éléments de réserve générale, on comptait 3 bataillons du 145ème régiment d’infanterie et deux de son régiment de réserve, le 345ème.

Deux régiments d’infanterie coloniale de réserve, les 31ème et 32ème vinrent de Cherbourg et Brest.

La garnison comprenait encore 500 douaniers du Nord formés en deux bataillons de forteresse et quatre batteries d’artillerie montées du 41ème régiment.

Enfin, 2 escadrons du 46ème régiment de chasseurs à cheval de réserve.

On ne disposait que de pièces anciennes à tir lent, d’une portée maxima de 9 km alors que les pièces allemandes tiraient à 14 km.

Au total, 435 pièces de canon :

– 34 canons de 80

– 155 canons de 90

– 50 canons de 95

– 111 canons de 120 long

– 48 canons de 155 long

– 12 canons de 120 court

– 13 canons de 155 court

– 12 mortiers de 220

Des canons de côte démontés à Brest n’arrivèrent jamais.

Les forts étaient au nombre de six : Boussois, Les Sarts, Leveau, Hautmont, Cerfontaine et le Bourdiau.

Ils étaient construits selon les instructions de 1874 pour résister aux obus de l’époque.

Entre les forts, distants de six km environ les uns des autres, se trouvaient six ouvrages intermédiaires, un peu plus modernes, destinés à abriter une compagnie d’infanterie prévue pour être relevée tous les jours, sans cuisine, sans eau.

Les ouvrages étaient construits à Bersillies, La Salemagne, Héron-Fontaine, Grévaux, Feignies et Ferrière-la-Petite.

Un gros parapet sans valeur militaire nommé batterie de Rocq.

Pour combler un vide de 4 km entre Boussois et La Salemagne, il avait été demandé la construction d’un ouvrage au Fagnet.

A l’arrivée des territoriaux :

– garde aux issues des villages bordant le camp retranché.

– creusement de tranchées. (travail énorme : 36 km)

– mise en place des batteries. Abattage de parties boisées, suppression des haies)

– dégagement des champs de tir.

– établissement de réseaux de fil de fer barbelé.

– installation de téléphones.

– construction de voies ferrées Decauville pour approvisionner certains forts.

– transport des pièces et des munitions.

– des canons sortent de l’arsenal de Falize dans des voitures ou des tramways.

– destruction de maisons, murs, obstacles gênants par le génie.

– les civils sont employés à des travaux secondaires.

Le camp retranché est divisé en 4 secteurs :

– 1er secteur : Fort d’Hautmont, ouvrages de Feignies et de Grévaux.

4 bataillons territoriaux, 2 compagnies du génie, 1 bataillon colonial en réserve.

– 2ème secteur : Fort du Bourdiau et ouvrage de Ferrière-la-Petite.

3 bataillons territoriaux, une compagnie du génie, un bataillon colonial en réserve.

– 3ème secteur : Fort de Boussois, de Cerfontaine et ouvrage de Rocq.

5 bataillons territoriaux, une compagnie du génie, 200 douaniers.

– 4ème secteurs : Fort des Sarts, ouvrages de la Salemagne et du Fagnet.

6 bataillons territoriaux, 2 compagnies du génie, 300 douaniers.

– 5ème secteur : créé vers le 20 août, Fort Leveau et ouvrage d’Héron-Fontaine

1 bataillon formé avec le dépôt du 145ème.

Réserve générale : 7 bataillons (3 actifs, 4 de réserve), 4 batteries de réserve de 75,       une compagnie du génie.

Le 14 août, un détachement de la cavalerie anglaise débarque à Maubeuge.

Le 16 août, une escadrille d’avions anglais de 36 appareils arrive au camp d’aviation.

La cavalerie anglaise s’installe dans les villages voisins.

Le 22 au soir, la garnison va prendre les positions prévues en avant des tranchées.

La bataille livrée près de Mons est perdue. L’armée anglaise se re^plie sur Landrecies, Le Cateau, Cambrai.

Le 25 août, les régiments d’infanterie ayant combattu à Charleroi sont satisfaits de pouvoir se reposer sous les canons des forts.

Vers 10 h du matin, le génie fait sauter le pont de Marpent.

Vers 19 h 30, on assiste à une lutte d’artillerie vers Damousies et Solre-le-Château.

Le 25 août, la place est complètement investie. Des masses énormes de troupes allemandes suivent de près les armées franco-anglaises battant en retraite.

La place est investie par le VIIème corps d’armée de réserve commandé par le général VON ZWEHL. Les hommes étaient des westphaliens et des rhénans. Une brigade de cavalerie et les troupes spéciales d’un corps de siège venaient s’ajouter au VIIème corps (général VON STEINMETZ † devant Reims).

La sortie du 1er septembre bouscule les allemands qui rappelle une division de la garde prussienne (général VON HARBOU, blessé à Saint Quentin le 10 septembre † Laon)

Le Kaiser est représenté par le prince Léopold de Prusse, son neveu.

L’armée de siège comprend de 60 à 65 000 hommes .

Les allemands disposent de nombreuses batteries de 77 de campagne .

A ces canons peu efficaces s’ajoutent les canons suivants autrement dangereux :

– canon de 13 (modèle 1910)

– obusier de 15 (modèle 1913)

– mortier de 21 (modèle 1910)

– mortier de 28 (modèle 1912)

– mortier de 42 (modèle 1914), sur voie ferrée.

L’artillerie allemande est renforcée par des pièces automobiles autrichiennes de 305 mm. La pièce de 42 cm lançait à 14 km un obus pesant 932 kg, la pièce autrichienne tirait un obus de 795 kg à la même distance.

Devant ceux-ci, rien ne pouvait résister. Les forts modernes de Liège et de Namur, en béton, n’avaient tenu que quelques jours.

26 août – La réserve générale reçoit l’ordre de faire une sortie au Nord de Maubeuge, de pénétrer en Belgique vers Givry et de détruire le chemin de fer vicinal d’Aulnois à Mons.

La colonne de gauche est sous les ordres du lieutenant-colonel FRANÇOIS.

Le lieutenant BERNARD fut tué.

Le sergent-major MOBULEAU est cité à l’ordre du jour pour sa bravoure.

La colonne du centre est commandée par le lieutenant-colonel BRUNO du 345ème.

Le colonel STRASSER, du 145ème, commandait la colonne de droite.

Une patrouille commandée par le chasseur COUILLET qui abat un cheval et blesse deux cavaliers.

L’un des cavaliers était le fils du prince de Saxe-Meiningen qui décédera et sera inhumé au cimetière de Maubeuge.

Le soir, une section du 4ème territorial, en position au nord de Villers-sire-Nicole,  recule à l’arrivée des uhlans, le sergent-major PEZIN reprend la position avec quelques hommes.

27 août – Une reconnaissance du 145ème est effectuée vers La Longueville. La compagnie du capitaine BAILLY occupe le village. L’adjudant DELAMONICA et le sergent CHARLES se distinguent au cours de la sortie. Le capitaine TOURNEUR occupe la lisière sud des Mottes et prépare une position de repli.

Les canons du Bourdiau tirent sur des travaux de terrassement vers Wattignies la Victoire.

De nombreux aéroplanes allemands se dirigeant vers le sud passent au-dessus de Colleret.

28 août – Reconnaissance du 345ème vers Wattignies.

Une reconnaisance du 145ème sur la route d’Avesnes signale de l’infanterie vers Dimechaux et Floursies.

Le fort de Boussois détruit le pont de Solre-sur-Sambre. Réparé, il est de nouveau détruit.

29 août – A 13 h. les allemands ouvrent le feu sur le camp retranché.

Le premier obus atteint le collège.

Les tirs sont dirigés vers la porte de France où se trouve le gouverneur.

Il tombe 740 projectiles sur le fort de Boussois.

Il n’est pas possible de répondre efficacement aux batteries allemandes.

Le maréchal des logis HOTTE et le canonnier PRUVOST vont vers Jeumont pour découvrir l’emplacement des batteries allemandes.

L’attaque allemande vise la partie faible de la ligne des forts (4 km entre Boussois et la Salemagne).

La Salemagne reçoit 386 obus. Le puits est détruit.

Une section du 145ème effectue une reconnaissance au nord de la place sous les ordres du lieutenant de génie SARRAZ – BOURNET. L’adjudant LEVEAU et le soldat DUCHÂTEAU sont grièvement blessés.

Le caporal Edmond DELVAUX se signale en portant des ordres sous les obus.

30 août – Les bombardements continuent et  s’étendent au fort de Cerfontaine qui reçoit un obus par minute (150 tonnes de projectiles sur la journée)

Les obus tombent sur l’arsenal de Falize.

Un peu après minuit, les troupes sont mises en alerte et garnissent les tranchées.

Vers 2 h. un bombardement oblige tout le monde à rentrer dans les abris.

Le centre de résistance de Boussois subit un bombardement violent.

Sont cités à l’ordre du jour : les commandants CHAILLOT et RAUCH, le capitaine DHUR et le lieutenant de MASSONEAU, tous du 145ème.

31 août – Le 345ème, placé en soutien près d’Assevent, reçoit l’ordre de regagner son cantonnement à Sous-le-Bois.

Sous-le-Bois est bombardé depuis le 29 par des obus de gros calibre.

Le tir dirigé sur l’arsenal de Falize y cause un incendie. Les provisions d’obus, les caisses de mélinite sautent dans un gigantesque feu d’artifice.

Les pompiers de Maubeuge viennent avec l’auto-pompe éteindre l’incendie (capitaine FIEVET).

Au fort de Boussois, le capitaine du génie KEIM est renversé par un projectile. Le capitaine THABARD le remplace pendant son évanouissement.

On abat deux cheminées du faubourg Saint Lazare qui semblent servir de repère à l’ennemi.

1er septembre – Le bombardement est toujours plus intense.

Le gouverneur décide de tenter une sortie pour détruire les batteries situées entre Jeumont et Grand Reng.

Toute la réserve générale (145ème, 345ème, 31ème colonial, trois batteries de 75) est appuyée à gauche (nord de villers-sire-Nicole) par un bataillon territorial et un bataillon de douaniers et à droite (rive droite de la Sambre) par un bataillon territorial.

La colonne de droite est formée du 145ème avec 2 batteries d’artillerie sous les ordres du colonel STRASSER.

La colonne de gauche est composée des 2 bataillons du 31ème colonial, des 2 bataillons du 345ème avec une batterie du 41ème d’artillerie sous les ordres du lieutenant-colonel FRANÇOIS.

Le 145ème, parti d’Assevent doit traverser 8 km de terrains découverts.

La préparation d’artillerie a été nulle.

Les bataillons RAUCH et CHAILLOT sont en première ligne.

Le premier dépasse nos tranchées vers Boussois, le second au Fagnet.

Le bataillon FOURMONT est en 2ème ligne.

Les batteries de 75, depuis des jardins de Boussois sont sans influence.

L’artillerie des forts n’apporte qu’une aide insuffisante.

Le bataillon RAUCH atteint Marpent, les mitrailleuse ennemies l’arrêtent depuis les étages des maisons.

Un vide se produit entre les 2 bataillons, le capitaine DANZEL d’AUMONT rétablit la liaison.

Le bataillon CHAILLOT subit de fortes pertes en traversant un terrain nu.

Le capitaine TOURNEUR est tué à la tête de ses hommes.

Le capitaine GALACHE, les lieutenants TESTARD et DURIEUX sont blessés.

Le bataillon FOURMONT est envoyé vers la gauche.

Le capitaine de VITASSE, le lieutenant WALLET, les sous-lieutenants TROUSSEAU et MUSSAULT sont blessés.

A 4 h. une salve d’artillerie, dont du 420 balaie le terrain et renverse les unités.

Une ligne de mitrailleuses et des tireurs abrités empêchent d’aller plus loin.

L’ordre de repli est donné.

La colonne de gauche avait été dirigée sur le moulin de l’hôpital, au nord d’Elesmes.

Le 31ème débouche de la Salemagne en direction de Vieux Reng.

Un bataillon du 345ème était placé à la droite du 145ème pour attaquer Grand Reng, sous les ordres du commandant LEMAIRE.

Un autre bataillon, commandant d’IVRY, se portait à la ferme de la Salemagne.

Au moment d’attaquer, l’ordre de repli est donné.

Le lieutenant-colonel FRANÇOIS, du 31ème, a une cuisse cassée par une balle.

Il est remplacé par le lieutenant-colonel BRUNO, du 345ème.

A 20 heures, on rentre dans les cantonnements.

2 septembre – Le bombardement reprend sur les ouvrages : Bersillies, la Salemagne, Le Fagnet et Boussois. Les ouvrages de Rocq et le fort de Cerfontaine sont aussi bombardés à une cadence régulière. Le fort du Bourdiau reçoit également des obus.

Des avions allemands survolent la ville. Les bombardements se font plus précis sur le hangar aux dirigeables, la gare …

Parmi les résistants farouches, il faut citer : le sous-lieutenant POLLET, le maréchal des logis BRISSET, le brigadier Georges PETTON, le maréchal des logis Auguste DESSE, l’artificier Léon VITAUX, le lieutenant ROLINDE, le capitaine du génie OUDÉA, le capitaine MÉTIFEU, le lieutenant MOREL, le lieutenant MÉRY, l’aide-major AUDION, le médecin auxiliaire JARREAU, le sergent PLANKAERT, l’adjudant MARTINET, le sergent VOISIN, le sapeur VERMELINGER.

Les voûtes du fort de Cerfontaine s’écroulent quand les allemands utilisent des obus à fusée retardée qui traversent les épais parapets en terre.

Le canon ne cesse de tonner, même la nuit.

3 septembre – Le général Fournier envoie par pigeon le télégramme suivant au ministre de la guerre :

« Bombardement continue sur tout le front Est et Nord de Maubeuge. Fort de l’Arsenal en partie détruit. Des avions indispensables absolument pour découvrir batteries ennemies. Poste radiotélégraphiques appelle Tour en vain depuis ce matin. »

 4 septembre – Le fort de Boussois est attaqué par des lance-mines.

Des combats d’infanterie se livrent depuis la route Paris-Bruxelles jusque Cerfontaine.

L’ouvrage du Fagnet (14ème compagnie du 2ème territorial) tombe aux mains de l’ennemi.

Le 345ème se déploie vers Assevent et est canonné de suite.

L’ouvrage de la Salemagne est bouleversé par l’artillerie. Il est assailli mais les défenseurs repoussent les allemands sur Vieux Reng.

Le 3ème bataillon du 145ème défend le point d’appui constitué par le village d’Elesmes. (tenu jusqu’au 6 septembre à 10 h.)

Le capitaine DHUR, l’adjudant-chef DELTOMBE sont griévement blessé. Le capitaine HURTEVANT est tué à la tête de la 10ème compagnie. Le capitaine GALACHE est blessé.

Le bataillon reçoit l’ordre de se replier, il a perdu un tiers de son effectif.

5 septembre – Le matin, les allemands renouvellent leur attaque d’infanterie. Unecolonne partie de Vieux Reng est repoussée, une autre partie de Villers-sire-Nicole, subit le mêmesort, mais la troisième, partie de Boussois, pénètre dans nos lignes.

L’ouvrage de la Salemagne et ses annexes de la Ferme et du Moulin sont emportés par un bataillon et un régiment allemand.

L’ouvrage de Bersillies est évacué par ordre, tout est détruit avant de partir par le capitaine du génie COMBARNOUS.

Un avion allemand survole Maubeuge et laisse tomber un étui en carton contenant la sommation :

Devant Maubeuge 5 septembre 1914.

Au gouverneur de la place de Maubeuge.

Comme il ressort que malgré sa courageuse défense, la place n’est pas à même de résister à la supériorité de l’attaque, je somme le gouverneur, pour éviter une plus longue effusion de sang, de me rendre la place.

J’attends la réponse aussitôt.

Signés : VON ZWEHL

Commandant en chef de l’armée d’attaque

HESSE

Lieutenant-colonel, chef d’état-major.

Le gouverneur FOURNIER ne répondit pas aux allemands.

Il se rend compte que la résistance de la place touche à sa fin.

Il convoque M. WALRAND, maire de Maubeuge, et lui annonce son intention de défendre le camp retranché jusque la dernière extrémité.

Le maire invite les habitants à évacuer la ville et à partir pour La Longueville ou Hautmont.

Les forts de Boussois, de Cerfontaine et des Sarts sont bombardés furieusement. Celui de Cerfontaine est évacué.

Le gouverneur envoie un télégramme au ministre de la guerre :

Forts des Sarts, de Boussois, écrasés, ouvrages intermédiaires rendus intenables par artillerie de siège extrêmement puissante qui ruine tous les abris, impossible à l’infanterie de marcher et même de tenir sous ce feu. Zone principale de défense devenue sans valeur sur moitié périmètre. Noyau central bombardé plusieurs nuits. Nombreux incendies, hôpitaux pleins, télégraphie sans fil anéantie la nuit dernière. Situation extrêmement critique.

Le gouverneur fair rassembler les drapeaux de la garnison (au nombre de 9 : 145ème, 345ème d’infanterie, 31ème, 32ème colonial, 1er, 2ème, 3ème et 4ème territorial, 1er régiment d’artillerie à pied)

6 septembre – A 7 heures, les drapeaux sont brûlés dans le jardin du Pavillon, près de la caserne Joyeuse.

Les allemands bombardent la ville avec des obus incendiaires.

Le fort de Boussois finit par succomber.

Les allemands entrent dans Recquignies.

Elesmes est emporté par l’ennemi.

Assevent doit être évacué.

Le soir, des ordres sont donnés pour faire partir la garnison sur Lille et Dunkerque en essayant de faire une percée vers l’Ouest.

Les artilleurs et mitrailleurs déculassent leurs pièces pour les rendre inutilisables.

Des ordres inverses demandent de continuer à combattre, les mêmes recherchent les culasses et les remontent.

7 septembre – Le combat reprend au petit jour. Le gouverneur a jugé impossible la percée vers Valenciennes.

Il se décide à entrer en relation avec le général allemand pour traiter la reddition de la place.

A midi, il fait hisser le drapeau blanc sur la tour de l’église et envoie le capitaine GRENIER porter la lettre suivante :

« Le général gouverneur de Maubeuge au général commandant les troupes de siège.

Je demande un armistice de 24 heures pour enterrer les morts et discuter de la reddition de la place. »

FOURNIER

Le capitaine part en grande tenue, suivi d’un trompette porteur d’un drapeau blanc.

Il est arrêté sur la ligne des avant-postes, un sous-officier allemand lui bande les yeux et le général VON UNGER le reçoit puis le conduit en automobile à la ferme de Vent de Bise, près de Grand Reng, où se tient le général en chef VON ZWEHL.

Celui-ci ne consent pas à un armistice, le bombardement continue. Il laisse 4 heures au capitaine pour revenir avec pleins pouvoirs du gouverneur et traiter sur les bases suivantes :

– la forteresse sera rendue avec tous ses ouvrages et son matériel,

– la garnison sera prisonnière de guerre.

Le capitaine revint à Maubeuge et en repartit vers 18 h., muni des pleins pouvoirs.

La place serait remise aux allemands le lendemain à midi.

Des ordres formels arrivent sans relâche, pour cesser le feu, ensuite pour tirer si l’on est attaqué, puis pour faire rentrer les avant-postes.

Ces ordres ne sont pas exécutés.

8 septembre – Vers la fin de la nuit, un ordre annonce que la garnison aurait les honneurs de la guerre. Il en serait toutefois autrement, puisqu’elle serait prisonnière, mais autorisée à garder sac, couverture et objets de campement.

Les hommes désarmés sont rassemblés à Rousies. Encadrés d’allemands, ils vont défiler à la porte de Mons.

Du secteur d’Hautmont, le reste de la garnison se dirige vers le Pont-Allant.

Les officiers sont séparés de leurs hommes qui seront dirigés vers Peissant, ou sur Estinne ou sur Mons pour être embarqués par chemin de fer.

Les allemands détruisent ce qui reste des forts.

Le siège de Maubeuge avait coûté 12 000 hommes aux allemands, beaucoup moins chez les défenseurs de Maubeuge.

Article 12 des conditions de reddition :

Pour reconnaître la courageuse défense de la garnison, je laisse son épée au général FOURNIER, gouverneur de la place de Maubeuge.

Celui-ci refusa cette faveur.

Le ministre de la guerre adresse la dépêche suivante :

Au nom du gouvernement de la République et du pays tout entier, j’envoie aux héroïques défenseurs de Maubeuge et à sa vaillante population, l’expression de ma profonde admiration. Je sais que vous ne reculerez devant rien pour prolonger la résistance jusqu’à l’heure, que j’espère proche, de votre délivrance.